jeudi 19 avril 2007

A CAUSE D'EDOUARD

Sur la plage

Sous l’orage

J’ai ramassé trois coquillages

Au fond de ma poche, les ai glissés

Puis je les ai oubliés.

Dans ma main

Un matin

Trois coquillages ont glissé.

Contre mon oreille, les ai posés

Alors ils ont raconté.

Le premier était un tout petit coquillage blanc, à peine caressé par le sable et les vagues de l’océan. Il avait peu voyagé.

Né au plus profond d’une crique de Méditerranée, il avait suivi ses parents vers les eaux plus agitées de l’Atlantique. Au bord d’une plage de biarritz. Là, il était heureux comme un coquillage dans l’eau.

Rien ne l’arrêtait : ni les lames de fond, ni le fort courant des Baïnes, ni les filets des chalutiers. Ni même Edouard, le gros bar cendré qui, depuis fort longtemps, cherchait à l’attraper. Il aimait aller le narguer lorsqu’il faisait sa sieste au creux des rochers bleus de la chambre d’amour. Il virevoltait autour de lui pour que l’eau vienne lui chatouiller les branchies. Il lui pinçait le bout des nageoires, le bout de la queue… Et si tout cela n’avait pas réussi à le sortir de son sommeil, il avait une botte secrète. Il remontait à la surface de l’eau, se gorgeait d’air marin, redescendait, et soufflait des milliers de bulles qui lui chatouillaient tant les narines, que cent fois il éternuait. Furieux d’être réveillé, Edouard se lançait à sa poursuite, sans jamais pouvoir l’attraper.

Mais un beau jour…Un beau jour ou un mauvais jour…tout se passa si différemment. Le gros bar entra dans une colère noire. Il n’était plus cendré mais charbonneux. Le petit coquillage comprit mais trop tard qu’il avait abusé de la bonté d’Edouard. La plaisanterie n’avait que trop duré et le gros bar furieux poursuivit le petit coquillage jusqu’à ce qu’épuisé, il finisse par s’échouer sur la plage des basques.

Depuis, piétiné par des vacanciers, posé en décoration sur des châteaux de sable, il restait des heures à sécher au soleil. Il regrettait ce qu’il avait fait, il était malheureux…

Doré comme un petit pain, strié de rainures nettes et régulières, le second coquillage logeait tout juste au creux de la paume de ma main. Une petite cicatrice blanche dessinait comme une demi-lune, sur le bord de sa coquille. Elle lui rappelait le cuisant souvenir du soir où il s’était battu avec un crabe hargneux et borné. Il soutenait mordicus qu’un coquillage ne pouvait pas être amoureux d’une anémone de mer. Le combat fut acharné et violent, mais personne ne le gagna. Chacun repartit sans avoir prouvé à l’autre qu’il avait raison. Sur le champ de bataille, ne restaient qu’un petit éclat de coquille, et une pince du crabe, vestiges peu glorieux.

Mais le jeune coquillage était têtu et il voulut prouver au crabe borné que l’amour se joue des différences. A la bêtise, il ne répondrait pas par la violence. Il alla sans tarder trouver l’anémone de mer, pour lui déclarer son amour. Celle-ci fut si émue, que ses tentacules passèrent par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, et qu’elles vinrent l’enlacer tendrement.

Pendant quelques années, ils connurent un bonheur parfait, que tout le monde enviait. Si différents mais si proches, ils avaient prouvé au crabe hargneux la bêtise de son attitude. Parfois le coquillage souffrait de ne pouvoir tout partager avec son anémone, attachée irrémédiablement à son rocher. D’autres horizons le tentaient, mais il avait choisi son destin et il devait l’assumer. Il évitait de regarder trop souvent les profondeurs infinies et retournait se blottir dans les tentacules de sa bien-aimée. Pourquoi vouloir plus que cette tendresse partagée ?

Mais un beau jour…Un beau jour ou un mauvais jour….Les profondeurs maritimes s’assombrirent, et une tempête sous-marine dévasta les fonds rocheux. L’air, la lumière, la nourriture, tout avait changé. L’anémone de mer s’y adapta facilement, forcément, attachée qu’elle était à son rocher !

Il regardait au loin, où tout était différent sûrement. Et il frémissait, tiraillé entre la peur et l’envie de s’y aventurer.

Puis, il posait les yeux sur son anémone immobile et heureuse de l’être. Et il frémissait attendri à l’idée de tous les bonheurs qu’il avait connus près d’elle. Il savait qu’elle ne pourrait pas le suivre. C’est alors qu’il fut happé par la gueule d’un énorme poisson, un bar nommé Edouard, qui le ballotta en tous sens, et le projeta à une vitesse vertigineuse sur le sable d’une plage.

Depuis, piétiné par des vacanciers, posé en décoration sur les châteaux de sable, il restait des heures à sécher au soleil. Il regrettait le temps d’avant, il avait peur du futur. Il était malheureux….

C’est alors qu’intervint le troisième coquillage. Nacré, presque transparent, c’était un long couteau ciselé par les marées, poli par le sel et le sable. Il avait vécu. Il était beau. Il était émouvant. Il parla au petit coquillage facétieux et au jeune coquillage déboussolé :

- Ne soyez pas malheureux, tirez plutôt des leçons de ce que vous venez de vivre. Que chaque instant de votre vie soit un cheminement, une étape qui vous conduit, vous grandit. Les chemins de la vie sont parfois arides et rudes. Si vous avez fait des erreurs, ne passez pas votre vie à les regretter, mais tirez-en des leçons. As-tu compris, dit-il au petit coquillage, que même avec ses amis les plus patients, il y a des limites à ne pas dépasser. Mais pour les découvrir, au moins une fois, il faut les franchir.

Et toi, jeune coquillage, ne regrette pas ton passé. Il a fait de toi ce que tu est aujourd’hui. Il t’a construit. Ne regrette pas tes choix, ils t’ont mené où tu es aujourd’hui. Mais ne crains pas les nouveaux chemins qui s’ouvrent à toi.

Quand le couteau s’est tu, les deux coquillages regardaient au loin avec des sourires lumineux. Ils voulaient regagner la mer, c’est là qu’était leur vie, c’est là que leurs rêves se réaliseraient, c’est là qu’ils construiraient leur bonheur.

Je les ai posé tous les trois sur le sable.

Une première vague a happé le premier coquillage pour le reconduire à ses parents.

Une seconde vague a happé le second coquillage pour le mener vers son avenir.

Mais lorsque la troisième vague est venue, le couteau ciselé est resté sur le sable. Il ne voulait pas me quitter. Il voulait rester avec moi pour que je n’oublie jamais ce qu’il avait dit.

Sur la plage

Sous l’orage

J’ai posé, trois coquillages

Les vagues deux en sont emporté

Le troisième est resté.

Dans ma main,

Tous les matins

Un coquillage se glisse

Et contre mon cœur, je le pose

Pour ne pas oublier…

DE RETOUR

JE NE SUIS PAS LA REINE DU MOT DE PASSE,
JUSTE LA PRINCESSE A LA MEMOIRE FUGACE,
JE LES COLLECTIONNE
ET A CHAQUE UN NOUVEAU JE DONNE
NEBULEUSE JE SUIS
NEBULEUSE JE RESTE
ET TANT PIS POUR LES ABSENCES
ELLES SONT COMME DES VACANCES